samedi 7 avril 2012

Aimer après 50 ans?


Arouna Lipschitz, une amoureuse entêtée

Par Patrice van Eersel

“ Rien ne m’arrête sur le chemin de l’amour. Rien. C’est ma quête, je continue à le chercher. Tout le monde attend l’amour, tout le monde en a la mémoire Je sais qu’il est là. ” Ainsi parle Arouna Lipschitz, 54 ans, avec force, joie... et un brin de provocation.
Son côté femme d’affaires a pu en irriter certains. Sa manière de raconter crûment sa démarche spirituelle a pu être jugée "politiquement incorrecte". Arouna parle, comme elle dit, « chair et os ». C’est ce qui nous intéresse chez elle. Peut-être est-ce cela aussi qui a donné envie à Guy Corneau de préfacer son premier livre, Dis moi si je m’approche - le voyage initiatique d’une femme moderne (Éd. des 3 monts). Un extrait de cette préface : « Il est relativement rare que des gens témoignent en toute franchise de leur recherche intérieure. Lorsque c’est une femme qui le fait, le texte parle invariablement d’amour, d’amour avec un grand "A" et avec un petit "a". » Dans le cas d’Arouna Lipschitz, c’est avec un A géant.
Dans sa quête, Arouna n’a jamais séparé le corps de l’âme. Mariée très jeune, elle se retrouve veuve quelques mois plus tard et entre dans une véritable valse des amours. Parallèlement à une vie affective trépidante, elle devient docteur ès lettres, puis professeur de yoga. Quelques années plus tard, son maître indien l’ordonne swami (maître dans la tradition hindoue). Elle ouvre un ashram dans la région parisienne, revêt la "robe orange", fait le vœu de chasteté – une promesse qu’elle respectera pendant dix ans. Puis elle tourne la page, part au Canada étudier la Kabbale et renouer avec ses racines juives. Là, elle est confrontée à une vie collective quotidienne et découvre, stupéfaite, que l’autre ne l’intéresse pas. “ Me préoccuper d’autrui ne m’était pas naturel. À cette époque, j’ai failli mourir d’ennui - au sens propre ! ”
Un matin, un de ses maîtres la fait se réveiller de bonne heure et lui demande : “ De quelle couleur sont les yeux de tes proches ? " Elle pense aussitôt à sa mère, à sa sœur, à ses amis, et se rend compte qu’à force de travailler sur elle-même, les autres n’existent plus dans son monde réel : " Je les avais perdus de vue : je ne savais plus la couleur de leurs yeux ! "
Et puis un beau jour tout bascule : " J’étais installée sur un banc, dans le "mall" d’une grande ville canadienne, je regardais les gens, me moquant d’eux, de leur façon de marcher, de s’exprimer, de s’habiller et tout à coup, j’ai VU leurs visages, le visage humain de chacun, sa part de vulnérabilité, sa fragilité et donc sa force. Ce regard différent posé sur eux m’a permis de redescendre dans mon cœur et, soudain, de les trouver intéressants et dignes d’être aimés. "
Après cette expérience, Arouna revient en France et décide de fonder son propre enseignement : la "voie de l’amoureux". Sa question de départ : comment approcher l’autre sans perdre le lien avec le divin ? À bien y regarder, elle se dit qu’en amour, il peut y avoir des errances plus ou moins longues, mais il n’y a pas d’erreur : toutes nos relations nous préparent à la rencontre avec " l’âme autre " La voilà partie dans une classification des relations amoureuses, qualifiées de relations de guérison. Premier degré de l’échelle : la compensation consolatrice - on rencontre une personne qui nous fait du bien, une épaule sur laquelle pleurer. Mais pourquoi, se demande Arouna, passons-nous si vite de cet échange humain basique à la construction d’un "couple" ? Pourquoi ne pas nous contenter de l’échange ? Est-ce vraiment cela que nous désirons vivre ? Un siècle après Rainer Maria Rilke, la jeune femme invite ses frères et sœurs humains à oser se bâtir eux-mêmes, sans automatiquement recourir à une "béquille conjugale ".
Second degré de l’échelle amoureuse : la relation karmique. Selon de nombreux sages, dont le kabbaliste Adin Steinsaltz*, beaucoup de nos relations relèvent de liens karmiques, signalés par l’impression de "déjà vu". Détournant l’énergie sexuelle à son profit, la relation karmique peut devenir coup de foudre. L’important est alors de dénouer des nœuds anciens, en nous dégageant de la répétition. " Ce que le coup de foudre réveille, dit Arouna, c’est le schéma non accompli duquel je suis prisonnier, avec toujours le même schéma émotionnel et, quand ça va mal, les mêmes questions en boucle : que fait-elle ? où est-il ? pense-t-elle à moi ? va-t-il m’appeler ? "
Une approche initiatique der de trottoir et s’enfuir, en toute conscience ! " Le danger de la relation entre âmes sœurs, poursuit Arouna, c’est que l’autre y est du "même". On se reconnaît en lui, mais on oublie de le regarder comme autre, c’est-à-dire comme mystère. Jusqu’au moment du réveil, parfois brutal, où l’on se demande : "Mais qu’est ce que je fais avec cet homme-là ?" Avec cet homme qui adore le foot. Avec cette femme qui ne peut passer une soirée à la maison. Avec ce bavard. Avec cette frivole. Une âme sœur peut aimer un quotidien qui ne nous intéresse pas.
Ne pas se tromper d’amour, c’est d’abord ne pas se tromper soi-même. Comment cesser de juger l’autre ? Comment ne plus penser qu’il y a mieux ailleurs ? Arouna : " On a les relations de son état de conscience. Alors seulement peut commencer ce que Guy Corneau appelle la "guérison du cœur". Guérir de quoi ? D’abord de nos projections idéalisées : le prince charmant, la femme fatale, etc... Ensuite guérir de nos manques infantiles : manque d’estime de soi, d’amour de soi, de respect de soi. Quelles sont mes véritables exigences intérieures ? Est-ce mon choix d’opter pour telle relation amoureuse, ou suis-je déterminé du dehors ? Qu’est-ce qui me pousse à "consommela nostalgie d’un paradis perdu ? la revanche d’un non-dit ancestral ?
Mais conscientiser nos motivations profondes ne suffit pas. Pour qu’un amour devienne relation de guérison, la grande question est la réciprocité - sinon, c’est l’enlisement dans la co-dépendance : tenter d’utiliser l’autre pour se guérir soi-même. Quand les deux partenaires sont conscients, l’amour devient un compagnonnage d’études. Et, de nouveau, peut se poser la question : cela ne peut-il en rester là ? pourquoi forcément s’engager dans la conjugalité ? " À un certain niveau, dit Arouna, tout est dans l’art de savoir mettre fin à ses relations... en amoureux. "
L’amour peut-il devenir un pur art d’être, avec ses droits et ses devoirs relationnels, art de s’approcher d’autrui en amoureux, qui que soit cet "autrui", dans la joie et la légèreté, vivifiant pour tous ceux que l’on approche ? Doucement, tout doucement, la relation amoursuse s’approcherait ainsi des "liaisons dharmiques entre âmes autres", qui n’est pas étrangère à la relation entre amis poursuivant une route ensemble et permettant à chacun de découvrir l’autre comme AUTRE. Une question surgit alors, abrupte : ce type de relation n’est-il pas réservé aux grands âges, après bien des échecs et des joies, quand le désir s’émousse et que peut poindre la sagesse ?
Réponse d’Arouna : " Sans doute sommes-nous, femmes de 50 ans et plus, une génération un peu sacrifiée, car il se trouve que peu d’hommes de notre âge ont effectué un chemin similaire. Cependant, nous sommes aussi la génération qui a initié la joie de vivre chez des millions de femme. Or, la joie génère l’amour. Quant aux moins de 30 ans - nos filles, ou nos nièces - elles ont profité de notre maturité. Nous les avons bien préparés à vivre. Et cela seul suffit à m’empêcher de désespèrer et me remplit de joie ! Et puis, il y a une autre certitude exaltante : l’autre ne vient jamais d’où je l’attends. Je ne désespère pas de trouver des hommes à la hauteur de ma joie. J’en ai connu un échantillon récemment. Quel programme ! "





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